makesense mesure son impact — épisode 2

makesense
11 min readNov 18, 2019

D’une communauté d’acteurs à l’avènement d’une société inclusive et durable — résultats 2019

Dans un premier article, nous évoquions les raisons qui nous poussent, depuis plusieurs années, à travailler sur notre mesure d’impact et les difficultés que nous avons rencontrées.

Dans cet article (épisode 2 !), nous vous partageons les premiers résultats observables en 2019 ainsi que la méthode suivie.

Et aussi bizarre que cela puisse paraître, nous allons parler essuie-glace, lamas, le tout en grimpant un escalier ! Vous êtes prêt.e.s ? Bonne lecture !

Comme évoqué dans l’épisode 1, nous avons adopté en 2019 une nouvelle approche :

  • plus ambitieuse — grâce au soutien financier de la Région Ile de France
  • plus professionnelle — avec l’intervention d’un cabinet spécialisé dans l’évaluation de l’impact Kimso
  • plus approfondie — en réduisant notre périmètre d’étude à l’impact de makesense sur les membres bénévoles de la communauté en France.

Nous avons concentré nos efforts sur la mesure de notre impact direct, avec l’idée de pouvoir à moyen terme mesurer l’impact sur la société de ces individus réunis dans une communauté d’acteurs. Chaque chose en son temps.

Tout d’abord — Théorie du changement (de quoi ?)

Première étape de la mesure d’impact 2019 : revoir notre théorie du changement.

Ça semble évident, c’est ce que nous conseillons à tous les entrepreneurs qu’on accompagne et pourtant… tel des cordonniers mal chaussés, nous ne nous y étions pas encore attelés.

Nous avions défini une raison d’être : “makesense inspire et équipe les citoyens, entrepreneurs et organisations pour construire ensemble une société plus inclusive et durable”.

Et pourtant, un des défis pour chaque membre de la communauté est de raconter brièvement et clairement qui on est, ce que l’on fait et pourquoi on agit !

Chacun.e présente sa vision du monde et notre impact. C’est riche, c’est ce qui fait que makesense bouillonne d’énergie. Mais nous n’étions pas contre l’idée d’avoir une petite phrase toute simple qui explicite clairement ce que makesense change dans le monde.

De février à mars 2019, KIMSO a réalisé 3 ateliers et 10 entretiens pour collecter les “insights” de bénévoles et salariés aux parcours différents. Ils ont mouliné le tout pour nous permettre de lever le voile de buée sur notre théorie du changement.

Un peu comme ces petits essuis-glace de salle de bain. Bye bye buée !

KIMSO a réussi à nous faire conscientiser ce que nous faisons et à le modéliser en une phrase en 4 étapes : la théorie du changement de makesense. Et on est fier.es de vous la partager aujourd’hui.

Etape 1 — makesense propose de “faire société”

Une société, au sens sociologique du terme, recoupe des espaces, des pratiques et des valeurs.

Chez makesense, les espaces sont des actions, des événements, organisés par les membres de la communauté pour échanger et s’inspirer, collectivement.

A chaque rencontre, on propose des pratiques, sortes de rituels liés à makesense. Exemple, on démarre toujours par un petit jeu pour faire connaissance avec les autres personnes (“icebreaker”), on secoue les mains quand on est d’accord (“applaudissement” en langage des signes), on promeut l’intelligence collective et l’enthousiasme (parfois viral, avec nos bénévoles qui se surprennent à dire “trop cool” à longueur de journée).

Enfin, nous sommes rassemblés et véhiculons des valeurs formalisées dans une manifesto (Expect anyone to be your best teammate, practice what you preach, Be as free as you’re responsible etc.) et des symboles (incarné dans nos visuels “têtes bleues” pour les anciens et “bean” pour les nouveaux).

Etape 2 — Pousser plus soin son engagement

Une société donc… mais pas n’importe quelle. makesense propose une société dans laquelle chaque individu est invité à pousser plus loin son engagement.

Le 5 novembre dernier, lors du départ d’une “Expédition makesense” (un programme de 2 mois de formation à l’action), Hélène, la marraine de la promo de 10 nouveaux bénévoles, disait : “makesense c’est faire pour se mettre en action” !

L’engagement passe par différents paliers de compréhension des enjeux et d’actions.
Entre le jour où on se rend compte qu’il y a un problème et le jour où on est ambassadeur d’une cause, il se passe généralement un certain temps.
Pour suivre l’évolution de cet engagement, nous avons décidé d’utiliser un modèle bien connu en sociologie, le “Behaviour Change” qui rend compte des étapes d’évolutions comportementales des êtres humains.

1- Première étape, l’individu prend conscience des enjeux qui l’entourent, il apprend des choses sur leur ampleur et l’urgence d’un sujet.

2 — puis progressivement, il/elle se sent concerné.e, se rend compte qu’il/elle a un rôle à jouer.

3 — une fois concerné., il/elle découvre que des solutions et des moyens d’actions existent, il est possible d’agir !

4- d’informé.e, il/elle devient ensuite acteur du changement — c’est l’étape clé du passage à l’action.

5- enfin, une fois acteur, la dernière étape est de devenir ambassadeur, en mobilisant à son tour autour de soi.

Les parcours chez makesense sont conçus pour passer d’une étape à l’autre de cet escalier.

On prend conscience des enjeux via les apéros paumées, on identifie des solutions grâce aux Expéditions, on soutient les porteurs de solutions grâce aux Hold-ups ou aux Sprints, et on apprend à mobiliser autour de soi via des formations dédiées.

Tout au long de ce parcours, pour que les membres gravissent les marches de l’escalier, il convient que chacun.e puisse développer ses capacités grâce à un cadre collectif.

C’est la troisième étape de notre théorie du changement.

Etape 3- En développant ses capacités grâce à un cadre collectif

Ces capacités constituent les petits muscles et l’élan nécessaires pour gravir les différentes marches.

Il s’agit d’apprendre à se connaître, être à l’écoute, se sentir solidaire, oser, agir collectivement, embarquer etc.

Ce sont autant d’ingrédients que l’on peut travailler et renforcer en rencontrant l’autre, en s’essayant à différentes techniques de facilitation, en montant différents projets.

Etape 4 — Une société inclusive et durable

Enfin, pour clôturer notre théorie du changement. Il nous reste à verbaliser l’objectif final. Ces 3 étapes — faire société — pousser plus loin son engagement — développer ses capacités, nous permettent de collectivement construire une société inclusive et durable. C’est notre mission et notre rêve : une société accueillante, solidaire, tolérante, où nous prenons soin de nous ressources (naturelles et humaines).

Fort de ce travail pour expliciter notre théorie du changement, nous sommes passés à la seconde étape : la collecte de données et l’analyse.

Pour cela, entre avril et juin, nous avons co-conçu avec Kimso un questionnaire pour préciser :

  • Quel est le profil de nos membres ?
  • Quel est leur niveau d’engagement avant/après makesense ?
  • Quelles compétences ont-ils acquis.es grâce à nos méthodologies ?
  • A quel point ont-ils modifié leurs pratiques et celles de leurs proches ?

Grâce à la consolidation de notre base de données et l’amélioration du suivi de nos bénévoles depuis 2 ans, nous avons pu restreindre la diffusion de notre questionnaire à l’échantillon cible : tous les membres ayant participé à au moins 2 événements makesense et/ou organisé au moins 1 événement dans les 18 derniers mois.

Et cela a très bien marché puisqu’en trois semaines nous avons collecté plus 250 réponses à un questionnaire dont le temps de réponse était de 10 à 15 min en moyenne.

Merci à tous ceux qui ont répondu !! Leur contribution est vraiment précieuse.

Une fois les réponses collectées, le travail d’analyse commence ! Et quelques mois plus tard, voici un aperçu des résultats.

Les résultats 2019 — en bref

Il est temps de vous présenter Pepita.o.

Pepita.o n’existe pas vraiment.
C’est la “personne type”, ayant répondu à notre questionnaire de mesure d’impact.

Pepita.o a entre 20 et 35 ans (pour 56%), majoritairement féminin (60%) et travaille dans un métier à vocation sociale ou environnementale (55%).

Pepita.o a connu makesense par ses amis (51%) ou par internet (41%).

Clairement, Pepita.o n’est pas en situation de précarité. Nous le savons. Pepita.o n’a pas vocation à rester éternellement cette cible, plutôt privilégiée. D’autant que nous souhaitons construire une société inclusive (et durable).
Par contre, nous estimons que pour bien faire, nous devons d’abord construire notre “machine de l’engagement” avec notre cible naturelle, avant de la déployer, via des partenaires terrains, à d’autres personnes issues de CSP différentes. C’était une parenthèse, mais elle nous semble essentielle.

Bref, Pepita.o a rejoint makesense pour 3 raisons :

  1. Elle.il souhaite avoir un impact / être utile (70% des répondants)
  2. Elle.il souhaite apprendre des choses (63%) (notamment l’entrepreneuriat social, l’intelligence collective ou les défis de société)
  3. Elle.il souhaite faire des rencontres (59%) pour se sentir moins seul.e ou s’inspirer.

Bonne nouvelle, makesense répond à ces trois attentes.

Pour les rencontres :

73% des répondants affirment avoir fait des rencontres marquantes grâce à makesense (soit des membres de la communauté (63%) ou des entrepreneurs sociaux (45%))

Pour les apprentissages et l’acquisition de compétences :

Pepita.o affirme avoir acquis des capacités en intelligence collective (60%) et animation d’atelier (50%) mais aussi en créativité, écoute active et esprit d’équipe. Pepita.o se sert des ces compétences et les diffuse dans son quotidien comme dans son travail.

Côté se sentir utile, vous vous souvenez de l’escalier de l’engagement ?

Notre interrogation était : est-ce que makesense permet de grimper l’escalier de l’engagement ?

Pour cela, il convient d’avoir une photographie avant makesense et après makesense des membres de la communauté et se demander ce qui a changé. Un peu comme le lama ci-dessous, qui passe d’un lama dénudé à un lama au beau pelage..

A ce but, nous avons demandé aux répondants de s’auto-évaluer sur des situations qui correspondent à différentes marches de l’escalier. Ils ont fait l’exercice d’auto-évaluation avant makesense et après makesense (en évaluant la contribution de makesense dans leur évolution bien sûr).

Exemple : Par rapport aux enjeux de société, comment te positionnes-tu ?

Leur auto-évaluation de leur positionnement et la comparaison du “avant” et “avec” nous a permis d’identifier le taux de “rebondissement” de nos marches de l’escalier.

Et voilà le résultat :

Quant à la dernière marche (“mobiliser d’autres personnes”) c’est ce qu’on appelle l’effet boule de neige. C’est le coeur de notre machine, alors on a décidé d’y consacrer un article dédié — mesure d’impact épisode 3 (à paraître en décembre 2019). Et en guise d’amuse bouche, sachez que 20% de nos membres déclarent avoir mobilisés plus de 10 personnes autour d’eux. C’est un début, mais on peut faire mieux!

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait de tout ça ?

En décembre 2019 sortira un rapport d’impact, plus exhaustif, plus digeste (grâce à de jolis illustrations). Nous ne manquerons pas d’ajouter le lien dès sa publication.

L’analyse poussée de nos résultats nous conforte sur nos modes d’action mais ouvre également de nouvelles questions.

Côté analyse, nous sommes satisfaits que :

  • l’impact de makesense sur nos membres augmente avec l’ancienneté
  • l’évolution des membres sur l’escalier de l’engagement est réelle et attestée

En parralèle, nous souhaitons continuer à approfondir et renforcer :

  • L’acquisition des “savoir être” (confiance en soi, tolérance etc.)
  • L’effet boule de neige (la dernière étape de l’escalier) et la capacité à mobiliser autour de soi (encore trop peu significatif pour qu’on soit pleinement satisfaits).

Côté questionnements, trois défis majeurs sont encore à relever :

Défi #1 — L’évolution d’un comportement est de facto multi-facteur

Comment préciser notre contribution réelle dans l’évolution de l’engagement et des compétences des individus et réduire les biais?

> Pour cela, nous travaillons à l’intégration de la collecte de données tout au long du parcours du membre (lors qu’il rencontre makesense, au bout de 3 mois, 6 mois, etc.) et nous suivons les données en temps réel dans un dashboard.

Défi #2 Le scope de l’étude 2019 était France et Citoyens

Or, nous sommes présents dans 100 villes et sur 3 cibles (citoyens, entrepreneurs, organisations).

>Des études sont en cours pour couvrir les divers champs et un travail de consolidation sera mené en 2020.

Défi #3 — Comment mesurer les liens de causalité entre l’accélération de l’engagement et l’avènement de la société inclusive et durable ?

Nous vous en parlions en introduction, c’est notre talon d’achille. Notre approche a permis d’identifier des pistes d’étude mais nous sommes loin des données concrètes et tangibles pour éprouver l’utilité sociale de l’engagement.

Aujourd’hui, ce défi nous a poussé à constituer un référentiel de compétences spécifiques aux actions makesense, adossé au référentiel OCDE 2030 “Learning Compass” qui recense les capacités nécessaires pour faire face aux défis de société.

Et par ailleurs, même si nous avons dû repousser ce projet faute de moyens, nous maintenons le souhait de co-construire avec d’autres organisations partenaires (Ticket for Change, Coexister, Article 1 etc.) un référentiel de mesure d’impact de l’engagement citoyen qui puisse être transverse et utile à tous.

Si vous vous reconnaissez dans un de ces défis, n’hésitez pas à nous écrire : solene@makesense.org et lea@makesense.org. Car tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin ;)

Pour finir — Tête, corps, coeur

Ce qui est sûr c’est que cette mesure d’impact nous motive toujours plus à continuer de construire des parcours d’engagement accessibles, ouverts, universels.
Nous croyons que ces parcours permettent à chaque citoyen.ne d’être outillé comme il faut pour :

  • Sa tête : via des connaissances, des apprentissages,
  • Son corps : pour savoir se lancer, oser, agir,
  • Son coeur : pour interagir avec les autres, savoir collaborer.

C’est cette combinaison des éléments qui permettra la coopération des différents acteurs (institutions, entreprises, associations) et à chacun.e d’être des “citoyens actifs qui construisent ensemble une société plus inclusive et durable”.

Ce qu’il faut retenir 📝

  • On s’engage avec makesense pour s’entourer (se sentir moins seul) et s’inspirer
  • L’engagement se fait par différentes étapes. Notre escalier “rebondit” bien
  • C’est sur le sens des parcours et sur l’audace que l’impact est le plus déterminant

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makesense est une communauté internationale de citoyens, d’entrepreneurs et d’organisations qui résolvent ensemble les défis sociaux et environnementaux